Fiche n°15
L’hellébore fétide
Helleborus foetidus L.
Noms populaires : pied-de-griffon, rose-de-serpent, patte-d’ours, mors-cheval, herbe-aux-fous, herbe-aux-bœufs…
Identité
Appartenant à la grande famille des renonculacées, le genre Helleborus comprend une quinzaine d’espèces de vivaces à vie courte originaires d’Europe et d’Asie mineure. Notre pied-de-griffon est haut d’une cinquantaine de centimètres et son feuillage persiste en hiver. D’une touffe de feuilles coriaces vert foncé, pétiolées et palmées de 7 à 9 folioles, émerge à partir de janvier une robuste tige portant de drôles de godets verts bordés de pourpre. Regardant vers le sol, ces fleurs peuvent s’ouvrir sous la neige sans être alourdies. L’hellébore vert, plus rare et très similaire au premier abord, disparait en hiver et ses fleurs sont entièrement vertes. La confusion est cependant exclue si l’on froisse les feuilles : seul l’hellébore fétide a une odeur désagréable. Il existe des formes horticoles d’hellébore fétide. Mais dans les jardins, on plante souvent les espèces colorées Helleborus niger et Helleborus orientalis : leurs hybrides et différentes formes cultivées sont innombrables.
Écologie
L’hellébore fétide est une calcicole qui aime les sols secs. Son milieu de prédilection dans notre région se caractérise souvent par la présence, même ancienne, de mortiers de chaux dont la percolation limite l’acidité naturelle du sol. Sa végétation hivernale lui permet d’habiter les sous-bois de feuillus où elle dispose d’eau et de lumière pendant le repos végétatif des arbres. On dit ses graines disséminées par les fourmis, cependant sa dépendance au calcium ne lui permet pas de trop s’éloigner de stations bien délimitées.
Répartition
L’hellébore fétide est présente dans presque toute la France, l’Europe occidentale et centrale jusqu’en Syrie. Dans le Livradois-Forez, on la trouve dans les zones anthropisées des bois de feuillus, les buissons, les talus, les rocailles, en particulier sur les sols secs, jusqu’à 1300 m d’altitude.
L’hellébore et les hommes
Elle est connue depuis l’Antiquité, rien d’étonnant à cela : en hiver on ne voit qu’elle. Alors que la végétation semble endormie, les drôles de fleurs de la rose-de-serpent défient les saisons. Belle et dangereuse, elle fut très tôt parée de vertus magiques : le mauvais sort ne devait-il pas craindre cette créature étrange ? L’étymologie du mot « hellébore » est controversée : pour certains, Helleborus viendrait des mots grecs aireo, je tue, et bora, nourriture : c’est la nourriture qui tue. Pour d’autres, son nom viendrait du mot sémitique helibas ou helebas : remède contre la folie. L’emploi de l’hellébore pour traiter la folie perdurera longtemps comme en témoigne la fable de La Fontaine. Le lièvre conseille à la tortue : «ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore», car il la croit folle. Ici, le « grain » ne désigne pas la graine, comme on pourrait le supposer, mais une mesure de volume de la potion. Est-ce cette utilisation qui explique sa présence récurrente autour des habitats médiévaux ? Déjà remarquée par le botaniste Chassagne en 1957, ce serait la trace des anciennes cultures médicinales. L’emploi de l’hellébore en médecine humaine fut abandonné du fait de sa grande toxicité, mais ses usages vétérinaires ou magiques étaient encore vivants au début du XXe s : on introduisait un morceau de tige sous la peau des bovins pour provoquer un abcès de fixation, on en accrochait un bouquet dans les porcheries et les étables pour en éloigner les maladies…
Nathalie Batisse